(Tino Rossi, peint par le Maître Jacques Weismann en 1936)
En 1907, le lundi 29 avril à 7H00 du matin, Tino Rossi naît à Ajaccio, au 43, rue du Cardinal Fesch.
Ci-dessus : copie conforme du registre d'État Civil de la ville d'Ajaccio - Acte de naissance de Constantin Rossi établi le 30 avril 1907 - (Coll. C. R-V.)
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Son père, Laurent, est artisan tailleur ; Tino est son troisième fils. Sa mère, Eugénie, se consacre, en plus de l'atelier familial, à ses neuf puis huit enfants.
En effet, Constantin porte le prénom de l'un de ses frères, décédé en bas âge le 4 décembre 1906. Pour sa mère, Constantin est ce que l'on appelle le consolateur après ce deuil.
Alors petit garçon, un jour, Tino se promène dans Ajaccio, la main dans celle de sa maman - Eugénie, lorsqu'une Gitane s'approche d'eux. Elle voulait les arrêter, mais Eugénie tirait Tino par la main dans le sens opposé, pour quitter cette place.
Dès son enfance, Tino aime chanter, chante tout le temps et tous ceux qui l'entourent lui reconnaissent une voix très pure. Bien que doté d'une grande mémoire, il préfère l'école buissonnière aux études car il s'ennuie en classe !
Aussi, déserte-t-il volontiers les cours pour suivre les muletiers sur les sentiers montagneux environnants, où il se sent libre. Et Tino chante volontiers avec eux au cours de ses escapades. Ces mêmes muletiers lui diront aussi qu'il a une belle voix pour le chant.
Mais quelques escapades plus tard, ses absences scolaires furent découvertes et Tino reçut une correction fessière par son père dont il devait se souvenir longtemps... D'autant qu'un jour, Tino, que sa mère envoya faire une course en ville, se sauva à nouveau dans les montagnes avec les muletiers, que ses parents lui avaient pourtant interdit de fréquenter, et tomba alors en admiration devant un nid d'hirondelles dont la mère donnait la becquée à ses quatre petits... Et en oublia de faire la course due...
Rentré bredouille à la maison, sa maman le gronda autant pour avoir oublié la course qu'à être parti une fois de plus avec ces muletiers «qui ne sont bons qu'à chanter à longueur de journée »... Puis elle se ravisa en lui disant calmement : « puisque tu n'es bon à rien d'autre, essaye donc d'endormir ta petite sœur Laurence. »
En effet, la plus jeune sœur de Tino, encore nourrisson, a un très mauvais sommeil, elle pleure souvent, elle est assez pénible... Le soir même de cet épisode, dès l'âge de 7 ans, Tino chante des berceuses à sa plus jeune sœur Laurence, pour l'aider à s'endormir... Avec succès !
À l'âge de dix ans, Tino déclare pour la première fois à son père : « Je serai chanteur ! ». Déjà à cette époque, Tino chantait tout le temps, se rappelle quelques années plus tard son père...
Grâce à l'euphonie innée de sa voix, Tino est très demandé pour chanter au Bar André, à Ajaccio, avec des camarades.
À l'âge de 12 ans, pour les élections législatives et municipales qui se tiennent les 16 et 30 novembre 1919 et le 7 décembre 1919 , Tino Rossi est même demandé par ses camarades pour venir chanter des sérénades dans des réunions politiques...
Au printemps 1925, encore adolescent, il casse sa tirelire et prend le bateau pour Nice, à bord du Cyrnos, avec une bande de copains, pour voir au moins une fois dans sa vie à quoi ressemble "le Continent", court voyage de deux jours qui ne le laissera pas indifférent.
En été 1925, à l'âge de 18 ans, il rencontre à Ajaccio Anne-Marie Mornand (23 janvier 1907 - 30 avril 1981), l'une des cinq violonistes venues donner un concert à la terrasse du Café Napoléon au cours de cet été, sur le cours ajaccien du même nom. Il en tombe fou amoureux, part avec elle sur la Côte d'Azur s'installer à Menton.
Ci-contre : Constantin Rossi, jeune adulte de 18 ans, vers 1925.
Photographie X - Coll. C. R-V.
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Dans la foulée, Tino est appelé sous les drapeaux en 1926. Il est incorporé le 19 mai 1927 dans le 25ème bataillon de Chasseurs Alpins basé à Menton (témoignage audio de Tino). Réformé temporaire le 21 juin 1927 à Nice, il est définitivement réformé le 13 février 1930 à Toulon.
Le 22 septembre 1927, il épouse Anne-Marie Mornand à Toulon, au cours d'une cérémonie discrète. Il devient peu après la fin de ses obligations militaires le jeune père de Pierrette à l'automne 1927 (décédée en 2011 - ne doit pas être confondue avec une homonyme décédée en 1978. Nous possédons des lettres manuscrites de Pierrette Rossi datant des années 2000, qui écrivait régulièrement au Président du Club Tino Rossi...).
Quand Tino retourne à la vie civile en 1927, il a du mal à trouver un travail stable à Toulon et n'a d'autre solution que retourner en Corse en espérant que son épouse finisse par le rejoindre.
Mais Anne-Marie ne le rejoindra jamais en Corse... Avec tous ses engagements, ses départs en tournée pour ses concerts, Anne-Marie demande rapidement le divorce qui sera prononcé le 10 juin 1929.
De retour à Ajaccio, et après cette épreuve personnelle, le voici, pistonné par les relations de son père, engagé comme changeur au casino.
Tino se liera rapidement avec la brune secrétaire du directeur, Faustine Fratani (27 décembre 1912 - 26 septembre 1985) avec qui il vivra maritalement durant 5 ans avant de l'épouser le 29 septembre 1934. Ils divorceront le 22 février 1938.
Mais Tino Rossi ne se plaît pas au Casino dans ce travail de routine. Au même titre que Tino Rossi n'a jamais voulu suivre la voie tracée par son père, de devenir tailleur, il avait envie d'autre chose...
Aussi, entre la fin 1929 et le début 1930, Tino quitte la Corse avec sa compagne Faustine pour venir tenter sa chance sur le continent.
Nouveau départ pour le continent dans l'espoir d'une embauche au casino d'Aix-en-Provence en tant que travail de subsistance.
Les recommandations du premier adjoint au maire de la ville, un ami de la famille Rossi, restant sans résultat, le couple s'installe à Marseille dans une chambre miteuse du quartier des Réformés, en haut de la Canebière. De repas trop légers en boulots trop temporaires (voiturier, plongeur, portier de boîte de nuit...), Tino Rossi traverse les mois les plus pénibles de sa vie ; sa réussite et sa pudeur l'empêcheront de les détailler...
Alors, certains soirs, à Marseille, Tino Rossi se retrouve à chanter spontanément et par plaisir dans des bars du centre ville les airs de son île aux Corses présents... Et même les non-corses aiment bien l'entendre chanter...
Pourtant, un fois, Tino refusera une première chance offerte par le destin. Un soir, alors qu'il avait chanté pour des collègues corses pendant plus de deux heures dans un bar marseillais du cours Belsunce, le patron, très impressionné par la qualité de son chant lors de ce concert improvisé, retient Tino et lui propose de l'embaucher immédiatement pour remplacer son chanteur-musicien habituel (payé 80 francs par soirée) tombé malade... Tino reste bouche bée. Il lui est impossible de parler... Rien que le fait de penser à chanter pour un public le paralyse et l'angoisse lui tenaille l'estomac. Le patron insiste et lui propose 100 francs par soirée, une somme importante pour l'époque, payée chaque soir sans délai !
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Tino refuse catégoriquement l'offre et laisse passer sa chance, la chance de pouvoir chanter et d'être entendu régulièrement... La chance de pouvoir être découvert !
La raison est simple et difficile : Tino, alors âgé de seulement 22 ans, est encore d'une timidité maladive... Il a tout simplement peur de se retrouver sur une scène, face à un public d'inconnus... En effet, s'il sait chanter en comité restreint pour des amis, il est alors incapable de s'exposer sur une scène...
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En 1930, Tino Rossi, lassé de Marseille et de ne point trouver d'issue favorable à sa situation, s'installe désormais à Aix-en-Provence. Il chante toujours pour les copains, les étudiants corses de la faculté de droit d'Aix (Raymond Filippi, Dominique Stefanaggi, Alfred Albertini, Jean Orsoni...) qui se retrouvent le soir au Café du Terminus... Son talent pour le chant est réellement apprécié par ses collègues, futurs ténors du barreau ou magistrats de renom lors de ces soirées qui sont ses seules consolations et sa seule évasion d'une vie si dure, avec les projections au cinéma des films de Marcel Pagnol...
D'ailleurs, c'est au Terminus qu'il croise le baryton-basse provençal Adrien Legros (1903-1993) qui le remarque, lui donne des conseils pour mieux respirer et poser sa voix. Tino ne l'oubliera jamais ; il enregistrera même un 78 tours avec lui quelques années plus tard... (cf. discographie 78 Tours - DF1443 - en 1934).
Pour subsister, il se fait embaucher en tant que figurant pendant les fêtes du carnaval d'Aix-en-Provence (au mois d'Avril). Il est figurant avec un costume de favouille sur un char en carton-pâte... Puis, dès le lendemain, il se lance comme marchand de confettis avec ses autres collègues figurants, pour tenter de tripler leurs gains, en achetant 100 kg de confettis et en escomptant les revendre au détail... Opération qui se révélera un désastre financier...
Alors qu'un jour Tino Rossi chante encore une fois pour ses collègues du Café du Terminus, un pianiste du coin, Marcel Vadon, le repère. Il avertit en douce un impresario local et fin diseur à ses heures qu'il connaît bien pour participer à ses tournées dans le Pays d'Aix... Il s'agit du producteur de tournées Louis Allione, dit « Petit-Louis » (dont sa présence dans les environs d'Aix est attestée depuis au moins Janvier 1924. Il serait natif de Lauris (84))
Grâce à Marcel Vadon, Petit-Louis et Tino Rossi se rencontreront au Casino d'Aix-en-Provence, casino où Tino Rossi essaye périodiquement de se faire embaucher en y passant régulièrement aux nouvelles...
Tino Rossi croise donc, dans le Casino d'Aix, le fameux Petit-Louis, qui est reçu par la Direction du Casino avant Tino. Quand il en sort, c'est au tour de Tino Rossi d'être entendu... Comme à chaque fois, il n'est pas embauché... Tino Rossi ressort du restaurant particulièrement démoralisé mais Petit-Louis l'attend à la porte... Ils finirent la journée dans un bistrot, et c'est ainsi qu'à 2H00 du matin, après quelques verres d'alcool, Tino Rossi se mit spontanément à chanter, et là, Petit-Louis mesure immédiatement le potentiel de l'artiste en devenir...
Heureux coup du destin, Petit-Louis, qui remarque immédiatement son potentiel, lui propose de l'embarquer dans ses tournées avec succès, sur de petites scènes provençales, ou pour des fêtes votives, en le présentant, rien que cela, comme « Le Roi des chanteurs de charme » !
Mais Tino Rossi est un grand timide... Il hésite. Aussi, après l'avoir travaillé au corps durant plusieurs jours, Petit-Louis lui propose-t-il, pour ne pas le brusquer, de commencer par un premier essai dans un petit village de l'arrière-pays provençal où personne ne le connaît, pour un tour de chant plutôt intimiste, dans une toute petite salle avec un public peu nombreux afin de pouvoir se tester face à un public d'inconnus... Tino, plutôt rassuré par cette proposition, finit par accepter.
Inventée pour Tino par Petit-Louis, qui qualifiait sa voix « de miel et de lait », l'expression " chanteur de charme " fera florès...
C'est à cette époque que Constantin Rossi prend son nom de scène Tino Rossi lors de son engagement par Petit-Louis, en se rappelant la façon dont l'évêque d'Ajaccio avait, en le bénissant lors de sa confirmation, détaché les syllabes de son prénom : Constant-tino.
Dans la foulée, Petit-Louis envoie Tino Rossi prendre quelques cours de chant classique chez M. Cazotte, professeur de chant à Aix-en-Provence. Quelques mois plus plus tard, estimant ne plus avoir rien à lui apprendre de plus, M. Cazotte le confie à M. Dominique Figarella, professeur de Chant à Marseille (Baryton émérite à l'Opéra-Comique de Marseille).
Et c'est ainsi que débute la carrière publique de Tino Rossi, sous la houlette bienveillante de son premier imprésario - Petit-Louis, qui l'amène ainsi chaque soir de village en village dans toute la Provence, devant des auditoires non prévenus ; et qui, chaque soir, recevait le même succès...
Ce qui fait que finalement, Tino Rossi en environ deux années, commencera à être connu de bouche à oreille en tant qu'artiste local dans tous les villages et les petites villes provençales.
Durant ces deux années de tournées provençales, il est payé 10 francs par jour, uniquement quand il se produit... Une somme dérisoire, même pour cette époque...
Ci-dessus : le Café Porte (et sa dépendance), modeste lieu d'un modeste village provençal où Tino Rossi se produit et chante en public pour la première fois, les 14 et 15 septembre 1930 à Lauris (Vaucluse).
Photographies Pichon - 28 juillet 1976 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : pèlerinage devant l'ancien Café Porte et sa dépendance (autrefois la Salle Eden) devenue la boutique Sylvie Fleurs depuis 1981, dont le fronton comporte toujours la lyre, témoin de cette époque artistique...
Photographies C. R-V. - 28 décembre 2022 - Coll. C. R-V.
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En 1932, à Ajaccio, Laurent Rossi, le père de Tino, apprend que son fils ne se destine pas à une carrière conventionnelle (dans l'administration, le commerce ou l'industrie, par exemple) mais à une carrière de chanteur...
Il déboule à Marseille par bateau (probablement en septembre) pour venir sermonner son fils sur place et lui demander de renoncer, arguant du fait que sa vie n'en serait que très dure, à chanter dans les rues pour subsister... Mais Tino s'oppose net à son père.
Un soir, toutefois, Laurent Rossi se décide tout de même à venir assister à une représentation donnée par son fils... À la sortie, il ne dira mot à quiconque de ce qu'il pense et de ce qu'il a ressenti ce soir-là...
Le lendemain, Laurent Rossi parle à son fils. Il lui dit : « ce qui aurait été bien, c'est que les gens de chez nous puissent entendre ta voix et surtout ta mère. Ça la rassurerait. ».
Qu'à cela ne tienne... Peu après, tandis qu'ils arpentent tous deux la rue Saint-Ferréol, leur attention est attirée par une pancarte sur la devanture d'un magasin, tenu par le truculent Monsieur Mossé : Enregistrez votre voix pour cent sous.
Il s'agit très-probablement du magasin ODÉON-OPTICAL, sis au 18, rue Saint-Ferréol, où l'on vendait des disques, des phonographes, des projecteurs Pathé-Baby, des récepteurs radios et des appareils photographiques... Ce commerce faisait paraître dans le journal Le Petit Marseillais, en 1931, l'annonce suivante : "Faites enregistrer votre voix".
Pour la somme de 5 francs de l'époque, Tino enregistre ainsi un disque monoface en fer blanc qu'il destine à sa mère, comme le fera vingt ans plus tard un certain Elvis Presley.
Tino enregistre a capella la chanson "Ajacciu Bellu" et comme il restait encore du temps, il complète le disque avec la chanson "Souviens-toi" de Saint-Granier. (Nous ignorons ce qu'est devenu ce disque.)
Une fois le disque enregistré, Monsieur Mossé passe le disque au phonographe. Là, un autre individu, présent dans le magasin s'invite pour écouter ce disque et entame la conversation, comme un nouveau coup favorable du destin :
L'individu demande à réécouter attentivement le disque, tandis que son expression se fait de plus en plus admirative...
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Ci-contre : seule photographie officielle de Tino Rossi en 1932 chantant pour les Disques Parlophone.
Photographie Brouchican - Aix-en-Pce. Coll. C. R-V.
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Mais moyennement convaincu par cet "on vous écrira" de la part d'un inconnu, les jours passent...
Tino reprend donc le cours de sa vie de ténorino parmi la troupe de Petit-Louis et oublie tout ça... Même s'il est finalement content d'avoir fait cette rencontre avec un Agent Général des Disques Parlophone (un certain Monsieur Joseph) en présence de son père.
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Environ huit jours plus tard (dans le souvenir de Tino Rossi), un courrier des Disques Parlophone, avec un disque imprimé en relief dans l'en-tête du courrier, parvient à Tino accompagné d'un billet de train aller-simple pour Paris...
Tino est invité à Paris pour enregistrer, moyennant 400 francs, son premier vrai disque, c'est à dire 4 faces de disques à 100 francs chacune - au tarif des débutants, soit 2 prises pour chacun des deux titres...
Mais Tino Rossi, sans billet de train de retour et sans un sou en poche est bien obligé d'accepter cette offre...
Ainsi donc, Tino Rossi va-t-il enregistrer son premier vrai disque qui est aussi le premier disque de chansons corses jamais gravé, puisqu'il comprend les titres : O Ciuciarella et Nini-Nanna, deux charmantes berceuses corses.
La séance d'enregistrement date du 1er décembre 1932. Tino est accompagné par un guitariste napolitain d'environ 70 ans, rencontré à Montmartre, unique musicien qui ait accepté de se déplacer jusqu'au studio d'enregistrement pour cet inconnu...
Ci-dessus : extrait du Supplément Parlophone de Mars 1933 signalant la commercialisation du 1er 78 tours enregistré par Tino Rossi.
(Coll. C. R-V.)
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Ci-dessus : 1er disque 78 tours de Tino Rossi. Parlophone 85.486 O Ciuciarella / Nini-Nanna. (Coll. C. R-V.)
Nota : l'exemplaire présenté est une première fabrication (Type 1) pressé entre Mars et Juin 1933. En effet, l'étiquette bleu-nuit mesure 76 mm de diamètre (car dès Juillet 1933, les étiquettes des disques sont réduites à la dimension de 69 mm de diamètre.)
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Ci-dessus : Parlophone 85.486 enregistré par Tino Rossi, de type 2, fabriqué entre Juillet 1933 et Mai 1936. Il s'agit du type le plus courant à trouver.
(année 1936 à partir de laquelle ce disque sera désormais édité sous la marque Columbia, date d'absorption de Parlophone par Columbia ; bien qu'il s'agisse toujours du même enregistrement.)
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Ci-contre : le Parlophone Type 3 qui est une variation du Type 2. Variété sur titre Ninni au lieu de Nini. Très rare.
(Coll. C. R-V.)
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Nota 1 : il convient de noter que Tino Rossi a enregistré deux prises pour chaque chanson pour son premier disque Parlophone. C'était en général cette procédure de sécurité qui était appliquée. Ensuite, le service artistique choisissait la meilleure prise, qui partait alors en production. Fait remarquable concernant ce disque, ce sont, pour les deux titres, les secondes prises qui furent adoptées.
Nota 2 : lorsque Tino Rossi s'installa définitivement à Paris et devint la vedette Columbia que l'on sait, il essaya de retrouver l'excellent guitariste napolitain d'environ 70 ans croisé dans les rues de Montmartre pour l'engager durablement, mais ne put jamais y remettre la main dessus.
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Cette pastorale sera l'un des derniers spectacles donné en tant que vedette locale par le ténorino Tino Rossi... Car bientôt, l'appel de la célébrité va retentir...
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En 1933, les événements s'accélèrent...
Au tout début de cette année naissante, après les fêtes de fin d'année, en plein hiver, c'est la période creuse. Ainsi, pendant deux mois, en Janvier et Février 1933, la troupe de Petit-Louis donne des spectacles de rues dans Marseille même, dans les rues adjacentes au Cours Belsunce. Le public local est rapidement enchanté par la prestation de Tino et les oboles pleuvent. Il n'y a qu'à se baisser pour les ramasser.
La présence dans les rues de Marseille d'un chanteur particulièrement doué finit par remonter jusqu'aux oreilles du Directeur de l'Alcazar - M. Justin Milliard, la salle de spectacle la plus réputée de Marseille. Ainsi, celui-ci assiste-t-il incognito à ces spectacles de rues et découvre par lui-même "Le" talent...
Petit-Louis est, à cette époque, déjà bien conscient du talent hors-norme de Tino Rossi, et c'est tout naturellement qu'il accepte l'évolution qui s'offre à Tino... En effet, Justin (Tintin) Milliard convoque Tino Rossi dans ses bureaux et lui propose un engagement de 7 jours à l'Alcazar de Marseille à partir du 3 mars 1933, « en qualité de ténorino » pour quatorze représentations avant de passer sur une autre scène mythique de la ville, le Théâtre des Variétés.
Le public de l'Alcazar de Marseille est alors nationalement connu par tout le music-hall comme étant le public le plus dur et le plus intransigeant de France. En effet, les gens amènent même les tomates pour chasser les impétrants dépourvus de talent...
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Vient rapidement le tour de la maison de disques Columbia de s'intéresser à lui. En effet, dans le petit milieu de la musique et du disque, tout finit par se savoir... Les gens s'informent, se tiennent au courant de tout ce qu'il se passe chez les concurrents...
À Ajaccio, un représentant des Disques Columbia entend le disque Parlophone du petit corse joué en boucle dans le magasin de musique Minighetti et avertit sa direction dès son retour à Paris... En effet, le disque Parlophone de Tino Rossi se vend dans les rues d'Ajaccio, grâce à la promotion du magasin de disques, et rencontre alors un grand succès local. À Paris, un certain Jean Bérard, Directeur des Disques Columbia, tombe immédiatement en admiration en écoutant le Parlophone du petit corse...
En 1933, Columbia lui adresse donc, au début du mois de Juin, une proposition de contrat intéressante autant pécuniairement qu'artistiquement.
Toujours au mois de Juin 1933, Tino Rossi revient à Paris pour rencontrer M. Jean Bérard au siège de la Columbia, rue d'Angoulême. Celui-ci convainc Tino qu'il peut l'aider à lancer sa carrière grâce à ses méthodes de promotion modernes.
Après cette entrevue, Tino Rossi ne signe pas immédiatement. Il prend son temps. En effet, il a demandé un délai de réflexion avant un éventuel engagement.
Il retourne donc dans les Bouches-du-Rhône à l'issue de ce rendez-vous prometteur.
Après mûre réflexion et au vu des perspectives, Tino Rossi choisit alors de s'engager chez Columbia, nonobstant une contre-proposition des Disques Parlophone ne voulant pas le laisser partir, un pont d'or : 12 disques garantis par année (soit 24 chansons) à 1.000 francs par disque ! Ainsi que des propositions tout aussi mirobolantes de la part des maisons Pathé, Gramophone et Odéon.
Une fois signé le contrat avec la Columbia dans le courant du mois de Juin 1933, Tino Rossi s'installe définitivement à Paris à la fin du mois de Juin 1933 en louant un studio au 16 bis, rue Hélène (17e).
Parallèlement, Tino Rossi réussit à se faire engager comme simple Boy au Casino de Paris, ce qui lui permettra de s'assurer un revenu modeste mais régulier pendant quelques mois.
Tino Rossi enregistre le 3 juillet 1933 ses deux premiers 78 tours (soit 4 titres) sous le nouveau label Columbia. Il s'agit de 4 mélodies Corses :
Il est accompagné par le célèbre Trio de Guitares Corses Agostini.
Ci-contre sont éditées à la même époque les premières cartolines publicitaires des Disques Columbia à l'effigie de Tino Rossi (Photographie Arnal - 1933 - Coll. C. R-V.)
Ces deux 78 tours Columbia sont commercialisés en Octobre 1933.
Ci-dessus : extrait du supplément des Disques Columbia n°80 d'Octobre 1933 - Coll. C. R-V.
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Ci-contre : test-pressing (édité DF1296) de la première chanson enregistrée par Tino Rossi sur Disques Columbia.
À noter que le test-pressing est signé de la main de Tino Rossi, autorisant l'édition de l’œuvre par l'interprète, comme il est d'usage au début des années 1930.
(Coll. C. R-V.)
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Ci-dessus : les 2 premiers 78 Tours enregistrés par Tino Rossi chez Columbia - DF1296 & DF1297, commercialisés en Octobre 1933. Accompagné par le Trio Agostini. (Coll. C. R-V.)
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Tino Rossi enregistre aussi, en français, le 8 juillet 1933 La Sérénade de Toselli (première version demeurée inédite jusqu'à présent), ainsi qu'une très jolie chanson ancienne romantique : Quand reviendront les hirondelles. Ces deux versions d'ailleurs resteront inédites.
Ci-contre : Test-pressing inédit (non validé) de la Sérénade de Toselli, enregistrée le 8 juillet 1933.
Pourtant, l'interprétation y est émouvante et l'accompagnement de mandolines excellent et complètement original.
Un nouvel enregistrement réalisé en 1938 sera, lui, édité : c'est celui que tout le monde connaît...
(Coll. C. R-V.)
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En 1933, toujours, Columbia lui confie aussi l'enregistrement de Refrains Chantés. Tino Rossi sert alors d'accompagnateur pour les orchestres de Tangos Argentins d'Auguste-Jean Pesenti puis d'Orlando.
Ces disques avec refrain chanté par Tino Rossi remportent un franc succès, mais Tino ne saurait se contenter de servir seulement d'appoint dans un orchestre de danse, fût-il célèbre...
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Ce que veut Tino Rossi, c'est chanter des chansons complètes et enregistrer des disques en son nom seul.
Ainsi, le 2 novembre 1933, il parvient à enregistrer le 78 Tours "Le Tango de Marilou / Viens Aimer", sous la direction d'orchestre de Jean Jacquin.
Ce sera le succès immédiat du titre "Tango de Marilou" qui l'accompagnera d'ailleurs toute sa carrière dans ses tours de chants et ce jusqu'à sa conclusion au Casino de Paris le 2 janvier 1983.
Nous pouvons affirmer que le "Tango de Marilou" sera le premier Tube de Tino.
Ci-dessus : 78 Tours DF1338. Premier "tube" de Tino Rossi avec le "Tango de Marilou". Enregistrements du 2 novembre 1933 - commercialisés en Décembre 1933. (Coll. C. R-V.)
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Ci-dessus : la toute première photographie sur cartoline grand format utilisée par Columbia dans ses catalogues de disques (Supplément Columbia N°82 de Décembre 1933).
Photographie Arnal - 2ème semestre 1933 - Coll. C. R-V.
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Il est un fait remarquable que dès ses débuts, partout où Tino passe et où on l'entend, alors qu'il n'est pas encore célèbre, les "témoins" veulent tous posséder ses disques. Tino est vendeur. Tino vend du disque. D'ailleurs, il sera surnommé plus tard Le Napoléon du 78 tours, à juste titre.
Tino Rossi est d'abord une voix, mais surtout des harmoniques. Des harmoniques si particulières que le public conquis veut repartir chez lui en possédant copie de cette voix peu ordinaire...
Dopé par ses premiers succès, Tino Rossi, classé « Chanteur », est également inscrit à la rubrique « Ténor » dans les catalogues des disques Columbia des années 1930 répertoriant les interprétations classiques.
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En 1934, à partir de cette année-là, Tino Rossi va désormais enregistrer en son nom seul - et seulement - des chansons entières... (à l'exception notable de deux titres (Un tango pleure & Apprenez-moi des mots d'amour) où il officie pour la dernière fois en tant que "Refrain Chanté").
Tino Rossi multiplie alors les enregistrements à succès de tous les styles tels que :
Venise et Bretagne bercera d'ailleurs l'enfance très francophile de la Reine de Grande-Bretagne et d'Irlande-du-Nord Elizabeth II, élevée par une nourrice française...
Ci-dessus : premier supplément-catalogue des Disques Columbia n°87 - Mai 1934, où Tino Rossi fait la couverture. (Coll. C. R-V.)
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Que ce soit, dans les spectacles donnés dans les salles, que ce soit à la radio ou que ce soit sur ses premiers enregistrements, le succès rencontré par M. Tino Rossi s'avère prometteur. De plus, un courrier abondant commence à arriver chez Columbia.
En Mars 1934, Jean Bérard rencontre à nouveau Tino Rossi et lui déclare : « Ce n'est pas tout d'éditer des disques. Il faut aussi vous faire connaître. J'organise le mois prochain une grande tournée Columbia dans les principales villes de France. J'amène Gilles et Julien, et Damia. Vous partirez avec eux. Je vous offre ainsi une chance. À vous de perdre ou de gagner.»
En effet, la firme comprend qu'elle tient un oiseau rare et l'intègre alors dans sa première tournée du 28 avril au 17 mai 1934 avec Damia et Gilles et Julien, accompagnés du pianiste Marcel Gaveau.
Damia sera également d'une grande aide pour Tino. Au cours de cette tournée, qui commençait dans la ville de Lille, la Tragédienne de la Chanson, comme on l'appelait alors, lui prodigua beaucoup de conseils sur la manière de se tenir sur scène, notamment ne pas multiplier à l'excès les gestes, comme il en était sérieusement usé et abusé à cette époque - les gesticulations outrancières étaient alors très en vogue - .
Damia lui conseilla cette forme de retenue (certains dirons : de raideur) à laquelle Tino se conformera sur scène toute sa vie.
Un nouvel établissement de music-hall ouvre en 1934 à Paris, il s'agit de l'A.B.C. Les duettistes Gilles et Julien y sont engagés avec d'autres vedettes, tel Doumel, Edmée Favart, Jean Marsac, Paul Colline, pour deux semaines. Grâce à leur intervention auprès du Directeur de ce nouvel établissement - M. Mitty Goldin, Tino Rossi y est engagé aussi et inaugurera donc ce nouvel établissement.
Ci-dessus : Tino Rossi au début 1934 lorsqu'il chante encore en smoking dans ses premières tournées en tant que chanteur qui commence à être connu.
Photographie Arnal - 1934 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : célèbre cartoline grand format de Tino Rossi avec guitare et costume corse, utilisée par les Disques Columbia.
Photographie Arnal - 1934 - Coll. C. R-V.
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Ci-contre & ci-dessous : Tino Rossi à la fin 1934, alors revêtu de son tout nouveau Costume Corse pour le Casino de Paris.
Photographie X - 1934 - Coll. C. R-V.
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La revue Parade de France s'avère un succès total et affiche complet tous les soirs. L'argent coule à flot et remplit tant les poches du Casino de Paris que de son Directeur Henri Varna. Mais, vu le modeste cachet de Tino Rossi, les recettes ne remplissent pas ses poches... Aussi, Tino Rossi ayant du mal à joindre les deux bouts, bien que continuant encore à habiter dans une mansarde des plus sordide, sans confort ni chauffage, celui-ci demande à Henri Varna de renégocier son contrat à la hausse, pour pouvoir, par exemple, se payer un radiateur pour commencer...
Comme Henri Varna ne veut pas augmenter le cachet (de 100 francs par jour) de M. Tino Rossi, se réfugiant derrière le contrat déjà signé, et ce malgré sa prise d'importance, Tino Rossi, qui est alors très demandé n'a d'autre solution que de "doubler" en parcourant les cabarets de Paris après le spectacle du Casino de Paris, pour améliorer son quotidien.
Tino Rossi à ses débuts sur scène, après avoir abandonné le traditionnel smoking noir, désormais accoutré en "corse typique", sur scène en 1934 très probablement au Casino de Paris, ou dans un club où il "double"
Photographie X - Coll. C. R-V.
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En 1935, Tino Rossi est très demandé dès ce début d'année. On se l'arrache partout, alors qu'il est en spectacle tous les jours au Casino de Paris, et qu'il double déjà dans d'autres cabarets, en plus des séances d'enregistrements de ses 78 tours....
Ci-contre : couverture du second supplément catalogue des Disques Columbia (n°97 - Avril 1935), dont Tino Rossi figure en couverture, à l'occasion de nouvelles sorties de disques.
(Coll. C. R-V.)
Ci-dessus : portrait d'art où l'on voit Tino Rossi fort rarement avec cigarette en main.
Photographie Harcourt - Mai 1935 - Coll. C. R-V.
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Mais le chanteur ne veut pas seulement se cantonner aux seuls spectacles sur scène. S'il souhaite enregistrer des mélodies corses et des chansons françaises à la mode du moment, il aime aussi enregistrer certaines compositions classiques, qu'il interprète d'ailleurs avec grande qualité, tact et émotion.
Tino Rossi souhaite notamment enregistrer sur disque deux mélodies classiques composés par Reynaldo Hahn mais il souhaite l'accord préalable du Maître.
Toutefois, le 9 juillet 1935, confiant en son " poulain ", M. Jean Richard, le Directeur des studios d'enregistrements Columbia à Paris, organise l’enregistrement à l’insu du Maître.
Tino Rossi ne connut jamais la réponse à sa requête.
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Toujours en 1935, le succès de Tino Rossi ne se dément pas et enregistre beaucoup : 34 titres.
Ci-dessus, de g-à-d : Tino Rossi, Petit-Louis et Adrien Legros dégustant des coquillages à Marseille, devant une échoppe de la rue Fortia toujours réputée pour ses fruits de mer.
Photographie Baudelaire - 7 août 1935 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus, de g-à-d : Adrien Legros, Tino Rossi, Petit-Louis et le fantaisiste Michel dégustant des coquillages à Marseille, devant une échoppe de la rue Fortia toujours réputée pour ses fruits de mer.
Photographie Baudelaire - 7 août 1935 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Tino Rossi au Vélodrome Buffalo de Paris pour la Fête des Caf' Conc'.
Photographie X - 16 septembre 1935 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : peu avant les séances de dédicaces de disques, par Tino Rossi à Marseille.
Photographie X - Octobre 1935 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : cartolines publicitaires de poche (9 x 6 cm) Tino Rossi, Exclusivité Columbia éditées en Novembre 1935, puis en Septembre 1936. À noter la présence du Tango de Marilou et D'une Prison...
(coll. C. R-V.)
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Ci-contre : pochette de soie, aux traits de Tino Rossi, portée par les admiratrices d'avant-guerre dans leur sac-à-main ou près de leur cœur...
D'après photographie Arnal - Circa 1935 - Coll. C. R-V.
En 1936, Tino Rossi est partout à la fois...
Ci-dessus : Affiche Tino Rossi et ses Guitaristes utilisée en 1935/36 pour ses tournées en province.
D'après lithographie Freychet - 1935 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : cartoline publicitaire grand format des Disques Columbia de 1936 - d'un tirage Forrester-Parant pour le film Marinella. (Coll. C. R-V.)
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Ci-contre : pour la 3ème fois en 2 ans, Tino Rossi fait encore la couverture du supplément-catalogue des Disques Columbia (n°108 - Avril 1936), et "casse la baraque" avec ce film et les disques y attachés.
(Coll. C. R-V.)
Coïncidence de l'époque, les mélodies de Vincent Scotto qu'il interprète dans le film Marinella accompagneront l'arrivée du Front Populaire au pouvoir.
Il s'agit des titres Marinella, Tchi-tchi, J'aime les femmes c'est ma folie & Laissez-moi vous aimer, sur des paroles signées Émile Audiffred (également son imprésario), René Pujol et Géo Koger.
Même si Tino Rossi s'est toujours tenu très éloigné des considérations politiques, il va cependant chanter pour les grévistes, notamment dans le hall des Galeries Lafayette, pour donner du baume au cœur des vendeuses et autres cousettes qui faisaient alors la "grève sur le tas".
Il convient de préciser que les deux événements (émergence de Tino Rossi au cinéma et émergence du Front Populaire) se sont bel et bien superposés dans le même espace-temps mais n'ont pas été imbriqués.
Dans l'Émission de Philippe Alfonsi diffusée le 15 janvier 1980, sur Europe 1 - Grandes Ondes nous vous proposons de redécouvrir cet épisode si particulier (coll. C. R-V.)
Ci-dessus : portrait promotionnel de Tino Rossi dans son vrai premier grand film, Marinella, qui lui ouvre en grand les portes du 7ème Art.
Photographie Forrester Parant - 1936 - Coll. C. R-V.
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Dans la foulée, Tino Rossi enchaîne cette même année dans une série de péripéties à l'accent corse dans le film Au son des guitares (avec cet immense succès Tant qu'il y aura des étoiles) réalisé par Pierre-Jean Ducis, puis enchaînera avec le chef d’œuvre Naples au baiser de feu (1937) réalisé par Augusto Genina, avec pour partenaires les grandes vedettes Viviane Romance et Mireille Balin, sans oublier Michel Simon, Marcel Dalio et les dialogues de Henri Jeanson.
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Ci-dessus : petite biographie bien sympathique sur Tino -
(CinéFrance - n°23 - Avril 1936. Coll. M. Alain Brochet.)
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ci-contre : tract promotionnel distribué à Genève. 1936 - Coll. C. R-V.
Ci-dessus : célèbre portrait de Tino Rossi par Harcourt, période revue Tout Paris Chante.
Photographie Harcourt - 1936 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Paul Azaïs, Tino Rossi et Fernandel dans un restaurant parisien, pour fêter un événement (à déterminer).
Photographie X - circa 1936 - Coll. C. R-V.
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Puis vient à nouveau le Casino de Paris à partir du 30 septembre 1936, cette fois-ci en tête d'affiche et en exclusivité pour la revue Tout Paris Chante, au succès triomphal.
Tino est alors rémunéré 7.000 francs par jour (à comparer aux 100 francs par jour deux ans auparavant dans ce même Casino de Paris.)
Ci-dessus : Tino Rossi dans l'atelier du Maître Jacques Weismann, à Paris - Boulevard Pereire, en fin 1936.
Photographie SAFARA - Coll. C. R-V.
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Tino Rossi devient dès 1936 un tel phénomène que le Club du Faubourg, qui organise régulièrement des débats sur les faits de société, inscrit Tino Rossi à son ordre du jour !
Les ordres du jour sont titrés : Pour et Contre Tino Rossi...
Ci-dessus : Carte Membre 1938 de l'Association des Tino-Rossistes - première année de création du Club.
(Coll. C. R-V.)
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En 1937, Nina Rossi, une des sœurs de Tino, débute le 6 mars 1937 une carrière dans le spectacle. Elle se fait remarquer en chantant à Montmartre (Il s'agit de Laurence).
Ci-dessus : Nina Rossi débute une carrière dans la chanson en costume traditionnel corse.
Photographie Intran Studio - 1937 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : exemple de 4 partitions de Nina Rossi.
1938 & 1939 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Supplément Odéon d'Avril-Mai 1940 annonçant la commercialisation du premier et unique 78 tours de Nina Rossi. (Coll. C. R-V.)
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Ci-dessus : Nina Rossi au bras de son époux, posant devant son hôtel-bar-restaurant Au Beau Soleil, à Viarmes, 45, rue aux fées, en Seine-et-Oise.
Photographie X - circa 1946 - Coll. C. R-V.
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Finalement, après un bref passage d'environ 6 mois chez Parlophone en 1932 pour son premier disque, Tino Rossi n'a jamais quitté sa maison de disques Columbia - (devenue en 1949 une filiale des Industries Musicales et Électriques Pathé-Marconi puis renommée EMI en 1964).
Clins d'œil de l'histoire : en 1936, la maison Parlophone est absorbée par Columbia qui réédite, dès le mois de Juin 1936, l'enregistrement du 1er décembre 1932 sous la nouvelle référence DF1920 ; depuis 2013, EMI s'appelle... Parlophone Music France.
Dès Juillet 1934, la presse des Pays-Bas commence à s'intéresser à Tino, publie ses sorties de disques et les radios de ce pays commencent à le diffuser sur les ondes.
Dès la fin de 1935, la presse de Grande-Bretagne commence à s'intéresser à Tino dans ses colonnes, notamment dès 1936 aux sorties de disques et à ses derniers succès...
Ci-contre : un supplément-catalogue britannique des Disques Columbia, outre-manche, de Juillet 1938. En couverture, Tino Rossi, the voice that charms - Tino Rossi, la voix qui charme !
(Coll. C. R-V.)
Ci-dessus : Tino Rossi en 1950, en visite à Paris au 30, Boulevard des Italiens, Palais de la Radio et du Disque - Pathé-Marconi, inspectant attentivement les partitions de ses derniers succès.
Photographie Paramount - 1950 - Coll. C. R-V.
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Le contrat initial de 1933, comme cela se faisait autrefois, était prorogé d'année en année par tacite reconduction orale... Les décennies ont passé, jusqu'au jour où, plus de 30 ans après, vers 1967, Pathé-Marconi se décide à régulariser en faisant resigner un nouveau contrat à Tino, qui profite judicieusement de l'occasion pour percevoir une généreuse avance...
Ci-dessus : vers 1967, le pot pour fêter le renouvellement du contrat liant Tino Rossi à Pathé Marconi...
Photographie X - Coll. C. R-V. Don de M. Carlos Leresche.
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La carrière de Tino Rossi prend une dimension essentielle au music-hall avec l'impresario Émile Audiffred.
Après l’A.B.C, où le public lui a réservé un honnête succès, il est donc engagé en 1934 par Henri Varna et Audiffred au Casino de Paris pour la revue Parade de France, consacrée au folklore des provinces.
Tino Rossi se confectionne une sorte de costume "spécial Corsica", qui campe un corse de carte postale, pourra-t-on dire, mais il faut bien cela pour marquer les esprits parisiens déjà blasés...
Tino se retrouve donc sur scène en bottes rouges, chemise et pantalon bouffants, guitare à la main et veste sur l'épaule et obtient dès le 14 octobre 1934 un triomphe inédit grâce à deux chansons que Vincent Scotto vient de composer pour lui, Ô Corse, île d'amour et Vieni... Vieni...
Ci-contre : affiche officielle de la revue Parade de France.
Lithographie Bedos - d'après X - 1934 - Coll. C. R-V.
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À partir du 30 septembre 1936, Tino Rossi remonte sur la scène du Casino de Paris pour la revue Tout Paris chante, mais cette fois en tête d'affiche.
Ci-contre : affiche officielle de la revue Tout Paris Chante.
Lithographie Bedos - d'après Van Caulaert - 1936 - Coll. C. R-V.
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Parallèlement, Tino Rossi vend de plus en plus de disques, à savoir 80.000 par mois quand la deuxième vente culmine à 6.000 (en l’occurrence, Maurice Chevalier). Dans ces années 1930, l'industrie du disque balbutie et la radio n'est pas encore un objet familier. Elle va bientôt donner aux artistes une audience nouvelle, avec ce que cela représente sur les ventes de disques.
Dans le cas de Tino Rossi, sa voix est tellement présente sur les ondes qu'en 1939, il demande lui-même, par écrit, aux stations de moins le programmer car il craint de lasser les auditeurs. Si le disque et la radio ont largement stimulé la carrière de Tino Rossi, ils n'en ont pas moins trouvé en lui un support essentiel de pénétration dans les foyers.
Sa fulgurante percée tient aussi à son physique à la Rudolph Valentino. Vincent Scotto rappelle, dans ses Souvenirs de Paris, l'attraction qu'exerce son ami Tino sur la gent féminine : « Les femmes s’approchaient de lui avec une telle férocité que si je n’étais pas collé à lui pour monter en voiture, si dans la bousculade je me laissais distancer de quelques mètres, il me fallait renoncer à lui, et la voiture partait sans moi. Les femmes étaient avides de le voir de près, certaines se seraient laissé piétiner plutôt que de céder leur place [...]. » Et d'ajouter : « Sa voix de rêve a enchanté presque tous les cœurs du monde. Quel philtre mystérieux possède cette voix pour troubler ainsi quand il chante ! On est charmé et on l’écoute recueilli. Une chanson embellit la vie, Tino embellit tout ce qu’il chante. » Car Tino Rossi est devenu une idole, la première dans l'histoire de la chanson. Familièrement désigné par son prénom d'artiste, il se trouve confronté à d'inimaginables manifestations d'affection amoureuse, dont il n'aimait guère parler.
En toute logique, cette voix, que d'aucuns comparent à une chasse d'eau ou un robinet, d'autres à de l'or, du velours ou du miel, est promptement sollicitée par le cinéma car il n'existe alors que les films chantants pour donner au public l'occasion de découvrir le visage des vedettes.
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Ci-dessus : Tino Rossi en 1937, recevant chez lui des lettres d'admiratrices enflammées, des photographies et des 78 tours à dédicacer...
Photographie Brodzky - 1937 - coll. C. R-V.
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En 1937, de grands bouleversements attendent Tino Rossi.
Ci-contre : en Mars 1937, Tino Rossi a droit à son second prestigieux recueil de partitions grand format (24x32), paru aux éditions Labbé et Méridian. Album des 21 Succès (dont 12 de Tino) (Coll. C. R-V.).
Ci-contre : pour la 4ème fois en 3 ans, Tino Rossi fait encore la couverture du supplément-catalogue des Disques Columbia (n°119 - Avril 1937) sous forme de piqûre de rappel, à l'occasion de nouvelles sorties de disques.
(Coll. C. R-V.)
En 1937, c'est également le cinéma hollywoodien qui s'intéresse aussi bien à Tino Rossi qu'à Mireille Balin.
Ci-dessus, de g-à-d : Mireille Balin, Tino Rossi, X (peut-être Milly Mathis) et Erich Von Stroheim au Palm Beach de Cannes.
Photographie Monneret - Juillet 1937 - Coll. C. R-V.
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Tino Rossi (à nouveau divorcé) vivra alors un amour passionné avec la très belle Mireille Balin (1909-1968), actrice à la destinée tragique qui, écrira-t-il, « avait tout pour ensorceler les hommes »... Même les Corses, qu'elle prétendait pourtant ne pas aimer avant de lui être présentée, en Mai 1937, par les frères Robert et Raymond Hakim en vue du futur film Naples au baiser de feu !
Ci-dessus : Tino Rossi dans le hall de la Gare Saint-Lazare, en partance pour Le Havre, vers les USA, dûment protégé par la police. Complètement à gauche, Félix Marouani, son impresario.
Photographie Keystone - 17 novembre 1937 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Tino Rossi embarque dans le train, direction, les USA. Mireille Balin étant montée à bord avant lui.
Photographie X - 17 novembre 1937 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : portrait promotionnel de Tino Rossi pris à New-York et exploité en France.
Photographie Lazarnick - 1937 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Tino Rossi à New-York, revêtu de son costume traditionnel, lors de ses récitals.
Photographie Lazarnick - 1937 - Coll. C. R-V.
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Aux États-Unis, où la radio passe « du » Tino sans arrêt, il donne quelques récitals tandis que Vieni... Vieni..., repris par les orchestres de Benny Goodman, Rudy Vallée et Bob Crosby (le frère de Bing), est classé premier du « Top tune of the week » (le hit-parade américain de l'époque) vingt-huit semaines d'affilée, fait unique pour une chanson française. Lorsque, le 10 mars, bronzé dans un costume blanc en shark skin (peau de requin), il fait son entrée à la Xe cérémonie des Oscars du cinéma, tous les acteurs se lèvent et l'applaudissent spontanément. Le maire de New-York Fiorello LaGuardia baptise même Tino-Rossi l'un des quais de la ville.
Mais Tino ne se plaît pas en Amérique, qui vient pourtant de réinventer pour lui l'expression « latin lover », mise à la mode quelques années auparavant en l'honneur de Rudolph Valentino. Il veut retrouver la France et refuse les offres financièrement alléchantes de Hollywood, qui le verrait bien en prince russe reconverti en danseur mondain dans une super-production de la Twentieth Century Fox baptisée Balalaïka. Mireille Balin, en contrat avec la Metro-Goldwyn-Mayer, fait de même, pour les mêmes raisons.
En 1938, l'adaptation à l'Amérique s'avère plus compliquée que prévue.
Ci-contre : Tino Rossi au Canada en Janvier 1938, devant un édifice de type châteauesque (à identifier).
Photographie X - 01/1938 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Tino Rossi chaleureusement reçu par Mr. le Maire de New-York - Fiorello H. LaGuardia, dans le bureau municipal.
Photographie X - Janvier 1938 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Tino Rossi dans les studios de la New-York Broadcasting Company entre le 31 janvier et le 18 février 1938.
Photographies Jackson N-Y.- Coll. C. R-V.
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Mais Tino et Mireille n'en peuvent plus. Ils ont le mal du pays.
Tino Rossi continue aussi de chanter au cinéma ses plus grands succès, tant dans le domaine de la variété que des airs classiques. Ainsi, pour les besoins de Lumières de Paris (de Richard Pottier, 1938), il chante l'Ave Maria de Gounod, dont Maria Callas dira que personne ne l'a jamais chanté aussi bien. Paul Reboux écrira à juste titre, dans Paris-Midi, en Novembre 1938 : «Quand on n'a pas entendu Tino Rossi chanter l'Ave Maria de Gounod, on n'a pas le droit de juger Tino Rossi».
En 1939, Tino Rossi va beaucoup voyager à l'étranger.
Ci-dessus : Départ de Paris-Gare-de-Lyon vers l'Égypte le 10 janvier 1939 de Tino Rossi et Mireille Balin.
Photographie X - 10 janvier 1939 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Mireille balin et Tino Rossi accueillis au Caire par les admirateurs !
Photographie Keystone - 21 janvier 1939 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Tino Rossi visite les sites des pyramides accompagné, de g-à-d de son impresario - Petit-Louis, Mireille Balin, X.
Photographie X - fin janvier 1939 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus, au premier rang, de g.-à-d : X, X, Tino Rossi, Micheline Landini et Petit-Louis. Photographie X - 19 février 1939 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus, au premier rang, de g.-à-d : X, Tino Rossi, Micheline Landini et Petit-Louis. Photographie Agence LAPI - 19 février 1939 - Coll. A. Brochet
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Ci-dessus : Tino Rossi couronne la Reine des Corses de Paris 1939.
Photographie X - 19 février 1939 - Coll. C. R-V.
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Ci-dessus : Tino Rossi sur la scène de l'Olympia, accompagné de ses guitaristes et d'un orchestre additionnel.
Photographies X - Avril 1939 - Coll. C. R-V.
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Ci-contre : Tino Rossi en Avril 1939 dans sa loge à l'Olympia de Paris, accompagné de Mireille Balin.
Photographie X - Avril 1939 - Coll. C. R-V.
Ci-dessus : Tino Rossi vendant les tickets de la Loterie Nationale aux admiratrices, aux Magasins du Louvre, à Paris, en faveur des comédiens combattants.
Photographie X - 28 avril 1939 - Coll. C. R-V.
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Puis éclate la Seconde Guerre mondiale le 4 septembre 1939. Courant 1939, les enregistrements de Tino Rossi se font déjà au ralenti.
Ci-dessus : affiche de la Tournée de galas Philips à laquelle Tino Rossi, Charles Trenet, Pierre Fresnay et Lucienne Boyer auraient participé en 1939.
(Coll. M. Alain Brochet.)
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Suite de la biographie de M. Tino Rossi en cliquant sur le lien ci-dessous :
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Site Tino Rossi © Claude Rizzo-Vignaud, 10 avril 2023.